31 mai 2009 7 31 /05 /mai /2009 21:45

Le cerveau est l’organe le plus complexe du corps humain. Cette complexité est, en quelque sorte, le reflet de notre capacité spécifique de penser, d’agir, de mémoriser, de ressentir et d’expérimenter le monde qui nous entoure.

 

Cerveau humain vue d'artiste - Crédits: Vasiliy Yakobchuk

 

 

Dans la longue chaîne de l’évolution c’est l’apparition et le développement  du néocortex qui a été l’étape déterminante. Chez l’homme, enfermé dans une boîte crânienne d’environ 1500 cm3 à l’âge adulte, le néocortex, siège de la plupart de nos fonctions mentales, a dû se plisser afin de pouvoir augmenter sa surface (1.6 m2).

Comme le soulignait un jour Alain PROCHIANTZ, lors d’une conférence, « le cerveau c’est un peu comme la Suisse avec ses montagnes. Si on pouvait la déplier ce serait un grand pays». Celui qui connaît Alain PROCHIANTZ connaît aussi son sens de l’humour.

 

Cerveau humain vue d'artiste  Crédits: Vasiliy Yakobchuk


Le cerveau commence à se développer très tôt dès la période embryonnaire pendant laquelle les cellules se multiplient et se différencient. Entre le 56 eme et le 70 eme jour on peut déjà distinguer les principales zones du cerveau. Ensuite, et jusqu'à la naissance, le cortex cérébral va se former. Chez le foetus, après le cinquième mois, les circonvolutions et les sillons vont se multiplier. Et vers le septième mois quelques 100 milliards de neurones sont présents, leur nombre n'évoluera que très peu par la suite.

La maturation du système nerveux se poursuit après la naissance. Apparition de la névroglie, apparition de la gaine de myéline qui se développe autour des fibres nerveuses ce qui permet d'accélérer la conduction de l'influx nerveux, augmentation du nombre de synapses, de dendrites et d’axones. Ce processus de maturation va se poursuivre de façon intensive jusqu’à l’âge de 2 ans, puis il ralentit et il se terminera vers l'âge de 20 ans.

Ce qui est particulièrement important pour  le développement psychoaffectif et psychomoteur, la mise en place des comportements moteurs, des fonctions mentales, du comportement social, c’est l’établissement de réseaux neuronaux -câblage nerveux-, la consolidation et la formation de nouveaux circuits favorisant les apprentissages.

Le cerveau dont le poids va continuer d’augmenter, de 400 g environ à la naissance jusqu’à 3 ou 4 fois plus chez l’adolescent, est d’une remarquable plasticité. L’expérience du monde extérieur par l’enfant va agir en retour sur la mise en place des contacts neuronaux, gérer la densité et la complexité des réseaux.

A l’échelle même d’un  seul neurone : la taille de celui-ci, son épaisseur, son nombre de contacts dans le réseau vont dépendre de la fréquence, du nombre de fois, où il est sollicité et utilisé. Chaque neurone va pouvoir créer des contacts avec des milliers ou des dizaines de milliers d’autres au travers de structures particulières, les synapses.

 

Vue artistique de contacts synaptiques dans le cerveau.

Crédits Graham Johnson


 En retour, cette organisation neuronale qui se met en place chez l’enfant va enrichir de façon considérable ses possibilités d’acquisitions et de savoir-faire. C’est en modifiant les connexions synaptiques que la mémoire, les habitudes sont créées et que la personnalité toute entière se construit. Cela s'effectue en renforçant certains circuits d’activité du cerveau, et en en faisant disparaitre d’autres.

Toutefois les neurones ne sont pas les seules cellules présentes dans le cerveau. Ils sont largement surclassés en nombre, de près d’un facteur dix,  par d’autres types cellulaires : les cellules gliales, dont les fonctions sont extrêmement variées (note : on a cru pendant longtemps que ces cellules ne servaient que de support aux neurones).

 

Les neurones communiquent dans le cerveau par l’intermédiaire d’une grande variété de molécules chimiques qui agissent comme neurotransmetteur ou neuromodulateur (glutamate, dopamine, acétylcholine, sérotonine, noradrénaline et endorphines).

Au niveau de la synapse ces molécules sont capables de délivrer un message spécifique après relargage dans la fente synaptique et recapture par une molécule réceptrice ancrée dans la membrane de la cellule voisine.

On sait depuis de nombreuses années que ces molécules ont une importance telle que leur absence entraine le développement de nombreuses maladies. Par exemple, la maladie de Parkinson est provoquée par l’absence de dopamine au niveau des ganglions de la base responsables du contrôle des mouvements. De la même manière, une déficience en sérotonine, qui est utilisée dans des régions du cerveau impliquée dans l’émotion, peut être reliée avec l'apparition de la dépression ou encore certaines maladies de l’humeur chez l'individu.

 

Par ailleurs, lorsque le neuromédiateur est produit normalement et arrive sur son récepteur au niveau de la cellule cible, la transduction du signal implique le recrutement d’une multitude de protéines intracellulaires. Afin de pouvoir transférer et interpréter correctement les signaux, les activités de ces protéines doivent être parfaitement synchronisées. Cette régulation est contrôlée par un système très sophistiqué, impliquant notamment un certain nombre d’enzymes comme les protéines kinases.

 

"Toute information transitant par le cerveau implique des synapses et, virtuellement, toutes les anomalies de fonctionnement du cerveau affectent, de façon directe ou indirecte, le fonctionnement de la synapse" comme le déclare Thomas C. SÜDHOF (Neuroscience Institute, Stanford University) dans une revue récente parue dans Nature en octobre 2008.


Dans cette revue, il est clairement établi que deux types de molécules - les neuroligines et les neurexines - qui sont des protéines d'adhésion cellulaire qui connectent les neurones pré- et post-synaptiques au niveau de la synapse et transmettent le signal trans-synaptique, étaient actuellement le meilleur exemple pour établir un lien entre la fonction synaptique et les maladies cognitives.


En effet,, chez l'homme, des altérations dans les gènes de neurexine ou de neuroligine sont impliquées dans l'autisme et d'autres formes de maladies cognitives. L'autisme est un syndrôme complexe caractérisé par de grandes difficultés de communication et de socialisation qui apparaissent très tôt chez l'enfant, avant l'âge de 2 ou 3 ans, au moment de la formation et de la maturation des synapses.

 

 Comme il atteint proportionnellement 4 fois plus de garçons que de filles, la participation du chromosome X a été suspectée très rapidement. Aujourd’hui, les origines génétiques de l’autisme ont été confirmées et plusieurs marqueurs génétiques, localisés sur différents chromosomes, ont pu être identifiés. Parmi ces marqueurs se trouvent ceux codant pour les neuroligines et les neurexines.


Quelques mutations ou délétions dans les gènes de neurexines ou de neuroligines sont susceptibles d'engendrer les symptomes liés à l'autisme ou encore d'autres maladies neurologiques.L'expression des protéines mutantes n'empêchent pas le développement du cerveau, mais perturbent plus ou moins fortement la transmission du signal. Plus intriguant encore, la même mutation ou délétion dans la protéine ne se traduit pas forcément par la même réponse entre deux individus issus de la même fratrie. Il peut y avoir pour le frère ou la soeur absence de symptome, ou bien une expression symptomatique très atténuée.

La recherche sur le développement du cerveau et sur la transmission synaptique est actuellement en plein essor. De nombreuses techniques d'approche sont utilisées. Nous savons d'ores et déjà qu'il suffit de très peu de choses, une mutation ponctuelle ou un ensemble de mutations sur une seule protéine pour faire toute la différence entre un cerveau humain standard et un cerveau un peu moins parfait.

Au fait, n'était-ce pas la mère d'Albert Einstein qui écrivait : "J'ai bien peur que mon petit Albert ne soit autiste." ? tant celui-ci enfant semblait replié sur lui-même.


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commentaires

A
<br /> Les cellules gliales recouvrent en fait plusieurs familles de cellules aux formes et fonctions variées. Grossièrement, dans le système nerveux central: les astrocytes assurent l'apport énergétique<br /> aux neurones en assurant un lien fonctionnel entre ces derniers et les vaisseaux sanguins; les astrocytes participent également à la synthèse de neurotransmetteurs et communiquent entre eux par<br /> l'intermédiaire de récepteurs de type "gap junctions"; les oligodendrocytes sont à l'origine des gaines de myéline entourant les axones, tandis que les épendymocytes sont responsables de la<br /> synthèse du liquide céphalo-rachidien.<br /> De nombreuses équipes de recherche travaillent sur les interactions neurones-glie. C'est notamment le cas de l'équipe de Stéphane OLIET, à l'Université de Bordeaux, qui a proposé le concept de<br /> "synapse tri-partite" dans laquelle, en plus de la jonction composée d'un élément pré- et post synaptique, vient s'ajouter la cellule gliale qui détecte et intègre le signal synaptique et peut y<br /> répondre en libérant des substances actives appelées des "gliotransmetteurs" (D-sérine).<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Avoir plus de détail sur le rôle "varié" de cellules gliales c'est possible?<br /> <br /> <br />
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F
La complexité des interactions à l'intérieur de notre cerveau est phénoménale et nous vivons sans nous en rendre compte.<br /> <br /> L'enfant a besoin pendant longtemps d'un environnement familial qui le protège et lui permette d'acquérir toutes ses potentialités.
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