Au milieu de vingtième siècle, lorsque le jeune biologiste Irenäus EIBL-EIBESFELDT, alors âgé de 25 ans, découvrit pour la première fois l’archipel des Galápagos, il fut surpris par une espèce de grondement régulier parfaitement audible depuis son navire à des miles de la côte. Le vacarme était celui produit par une impressionnante colonie de lions des mers en train de s’ébattre vigoureusement. A son deuxième voyage, quelques années plus tard, le monde avait changé…
Et depuis cette époque, malgré de nombreuses initiatives et actions de sauvegarde et de protection de l’archipel, de sa flore et de sa faune, la situation s’est encore dégradée.
« C'est une situation dramatique dont l'homme est responsable. Un exemple du risque de destruction
massive et accéléré de la biodiversité sur notre planète» déclare Sophie D.
C'est effectivement l'homme qui est le premier responsable de cette triste dégradation de cet éden - apparu après la création du monde – ainsi que Roger PERRY, ancien Directeur (1964 – 1970) de
la Station de Recherche Charles Darwin, avait pris plaisir à désigner le fabuleux archipel.
« Many years ago, shortly after we began our
educational programs at the station, it was suggested to me that we might adopt the idea of the world having been created by Divine Hand — but that the Galapagos
Islands came afterward - thus giving us a level playing field on which to develop our teaching of the understanding of life….”
Ce qu'il voulait dire, c'est que l'archipel s’est formé récemment, à l'échelle géologique, il y a trois ou cinq millions d'années suite aux manifestations volcaniques toujours
présentes dans cette partie du monde. Les Galápagos sont des îles volcaniques situées au-dessus d’un point chaud du globe et la vie n'y est apparue que par les hasards naturels d'un vent
favorable ou d'un courant marin propice.
Toutes les espèces découvertes par Darwin sont donc venues d'ailleurs, de la masse de terres continentales
voisines et y ont évoluées lentement. L’insularisation a conduit, avec le temps, à l’apparition d’espèces endémiques. Mais le système écologique ainsi isolé est devenu plus
vulnérable aux perturbations extérieures, et notamment à celles introduites par l’homme.
L’archipel des Galápagos s’est trouvé pendant très longtemps en dehors des routes empruntées par les hommes. Il est resté en dehors des migrations austronésiennes par exemple, et il n’avait pas de population autochtone à l’arrivée des européens.
C’est un évêque de Panama, Tomas de Berlanga, arrivé par hasard dans les îles le 10 mars 1535 à bord d’un navire plus ou moins à la dérive faute de vent, qui a fait entrer l’archipel dans l’histoire.
Trois siècles plus tard, le jeune Charles Darwin va y passer quelques semaines et y effectuer les observations qui le conduiront à publier «L'Origine des espèces» en 1859.
La théorie de l'évolution des espèces proposée par Darwin et Wallace devant l’Académie Royale, en 1858, est le
fruit d'une lente maturation intellectuelle. La culture de l’époque, fortement inspirée par le cadre de la Création biblique, ne prédisposait pas à une approche non créationniste.
L'homme y a apporté la destruction à différents moments, avant même que les îles soient habitées.
Elles ont servies de réservoirs de nourriture fraîche pour les pirates et marins, en même temps qu’ils se
ravitaillaient en eau douce. La remarquable résistance physique des tortues géantes, qui peuvent rester près d'un an sans rien boire ni manger, a joué en leur défaveur lorsqu'il a fallu remplir
des ventres vides de marins.
Même l'engouement provoqué par les déclarations et les écrits de Darwin a joué, dans un premier temps, au détriment de l'équilibre naturel. A cette époque et dans la première
moitié du XXe siècle, les naturalistes réalisaient surtout des collections pour enrichir les musées, pour les besoins de la connaissance et de l’éducation. L'on pensait également que, pour sauver
les espèces, il valait mieux les retirer, au moins en partie, de leur environnement naturel et les placer dans des parcs zoologiques.
Un facteur extrêmement important de perturbation de l'équilibre précaire des espèces insulaires a été l'arrivée de colons qui ont amené avec eux leurs outils, leurs techniques et leurs animaux
domestiques. Ces derniers ont fait des ravages considérables. Une meute de chiens errants a suffi à décimer une colonie entière d’iguanes terrestres (plus de 500 individus).
Iguane terrestre - Crédits Max xx
Aujourd'hui, un des dangers principaux vient du tourisme.
Et il concerne non seulement les espèces insulaires, faune et flore, mais également la biosphère sous-marine, les îles Galápagos étant réputées pour la richesse exceptionnelle de leurs fonds marins. C’est entre 100 000 et 150 000 touristes qui débarquent chaque année dans l’archipel, c'est-à-dire entre cinq et sept fois la population locale.
Comme je l’ai écrit dans un billet précédent - Saving Noah's Ark ou sauver la biodiversité aux Galápagos - l’étude réalisée et publiée en 2007 par Watkins, G. and Cruz, F. “Galapagos at Risk: A Socioeconomic Analysis of the Situation in the Archipelago” montre que l’évolution a été dramatique au cours des 15 dernières années et que les principaux dangers concernant la préservation de la biodiversité ont été, en grande partie, liés à l’absence d’un pouvoir politique national fort en Equateur. Absence qui s’est combinée malheureusement avec une politique économique à courte vue de la part des autorités locales de l’archipel.
Pour préserver cette Réserve mondiale de la Biosphère, il faudra que soit exercée une volonté politique très forte de la part de l'Equateur, volonté s’appuyant sur le soutien inconditionnel de l'UNESCO et de la Communauté Internationale. Il faudra également y consacrer des moyens humains et financiers plus importants que ceux dont on dispose aujourd’hui.
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